Orages d'été et précipitations violentes dans l'avenir climatique

Grêle, orages, fortes précipitations. Ces événements extrêmes sont probablement en augmentation dans le cadre d'un réchauffement global. Des simulations à haute résolution réalisées par des chercheurs de l'ETH Zurich sur les superordinateurs du CSCS apportent désormais plus de certitude dans les projections.

Vue agrandie : crues de l'emme en 2014
Les événements extrêmes comme la crue centennale de l'Emme en 2014 seront plus fréquents selon les dernières simulations climatiques. (Image : AZ Medien/Solothurner Zeitung/Simon Binz)

En Suisse et en Europe, les étés devraient devenir plus secs à l'avenir. Parallèlement, les précipitations extrêmes devraient se multiplier et s'intensifier. C'est du moins ce que laissent supposer les modèles climatiques. Ils indiquent que les fortes précipitations augmenteront dans l'espace alpin. Un débat permanent porte sur l'ampleur de l'augmentation des fortes précipitations estivales de courte durée, y compris les précipitations orageuses qui ne durent que quelques heures. Jusqu'à présent, il n'existait guère de scénarios quantitatifs pour ces dernières, car les modèles climatiques traditionnels avec des distances de grille de 25 à 200 kilomètres ne peuvent pas représenter suffisamment les orages décisifs à petite échelle.

Une équipe de chercheurs de l'Institut pour l'atmosphère et le climat de l'ETH Zurich a désormais établi de tels scénarios quantitatifs gr?ce à des simulations climatiques d'une résolution inhabituelle. Les simulations sur les superordinateurs du CSCS (Centre suisse de calcul scientifique) ont toutefois nécessité un an et demi de calcul. Mais comme les fortes précipitations et les orages de courte durée ont un potentiel de dommages particulièrement élevé, de tels scénarios sont importants pour planifier des mesures de protection contre les inondations ou les glissements de terrain.

Les observations soutiennent le modèle

Des études antérieures ont montré que le changement climatique entra?ne une modification des fortes précipitations sur des périodes de 50 à 100 ans. Bien que les processus responsables soient très complexes, ce changement peut être exprimé par une simple équation physique. Celle-ci décrit l'augmentation de l'humidité dans une atmosphère qui se réchauffe. Les climatologues s'attendent donc à ce que les fortes précipitations suivent cette équation dite de Clausius-Clapeyron et que, par conséquent, l'intensité des événements journaliers extrêmes augmente de six à sept pour cent par degré Celsius de réchauffement. Des études récentes ont toutefois indiqué que l'intensité des fortes précipitations de courte durée pourrait même doubler.

Or, les résultats des simulations de l'étude actuelle de l'ETH s'accordent à nouveau étonnamment bien avec l'équation de Clausius-Clapeyron. Pour Nikolina Ban, premier auteur de l'étude, le fait que les simulations co?ncident presque avec les données de précipitations mesurées pour la période simulée renforce énormément la confiance aussi bien dans son modèle que dans l'équation de Clausius-Clapeyron.

Dans sa thèse de doctorat, Nikolina Ban s'est penchée sur des simulations dont la résolution est si élevée qu'elles reproduisent la formation convective (orageuse) des nuages en se basant sur les lois des processus physiques sous-jacents. Pour que les processus de formation des nuages ne "tombent" pas à travers la grille qui définit les points de calcul pour la simulation, les distances entre les grilles ne doivent être que de quelques kilomètres. En choisissant une distance de grille étroite de 2,2 km, les chercheurs ont pu représenter des nuages orageux et des précipitations sans utiliser d'hypothèses simplificatrices pour les processus physiques de base. Comme la convection réelle dans l'atmosphère est ainsi représentée, les incertitudes sont minimisées et la confiance des chercheurs dans le modèle est renforcée. Mais en même temps, cela implique des calculs longs et co?teux, car les équations physiques de base doivent être résolues à chaque point de grille.

Une simulation unique en son genre

Avec cette simulation à haute résolution, les scientifiques ont couvert sur une période de dix ans l'espace alpin élargi du nord de l'Italie au nord de l'Allemagne, soit une surface de 1100 kilomètres sur 1100. "C'est la première simulation à haute résolution de cette ampleur géographique et de cette durée temporelle", explique fièrement Ban.

Les chercheurs ont calculé trois simulations au total : Une pour le passé afin de la valider par rapport aux données recueillies par les mesures des précipitations et deux autres pour le climat actuel et futur. Le calcul d'une simulation a pris entre quatre et huit mois. Mais pour les chercheurs, l'effort en valait la peine et Christoph Sch?r est enthousiaste : "Avec la haute résolution, nous avons fait un bond en avant dans la modélisation, comme je n'en avais encore jamais vu au cours de mes nombreuses années de recherche".

De fortes précipitations malgré la sécheresse

Le modèle permet désormais de quantifier la fréquence et l'intensité des événements extrêmes. En même temps, il montre aussi que les précipitations moyennes diminuent. "Le climat devient plus extrême, avec des périodes de sécheresse plus longues qui ont le potentiel de provoquer des sécheresses. Parallèlement, la fréquence et l'intensité des événements extrêmes avec de fortes précipitations augmentent", explique Ban.

Mais le modèle donne aux scientifiques d'autres indications sur le climat futur. Ainsi, ils concluent certes des résultats des simulations que l'intensification attendue des précipitations suit l'équation physique de Clausius-Clapeyron et qu'il ne faut pas s'attendre à une intensification encore plus forte (superadiabatique). Or, il est déroutant de constater que ces effets dits superadiabatiques sont observés aussi bien dans les observations qu'au sein des différentes simulations. Selon les chercheurs, cette augmentation supplémentaire n'influence pas l'évolution du climat à long terme et donc les stratégies d'adaptation à un climat changeant, car l'effet est compensé par une diminution des jours de pluie au cours du changement climatique. Pour les chercheurs, les résultats montrent donc aussi que les observations et les conditions de précipitations actuelles ne peuvent pas être si facilement extrapolées dans le futur.

Simone Ulmer est écrivain scientifique au page externeCSCS,où cet article a été publié pour la première fois.

Référence bibliographique

Ban N, Schmidli J & Sch?r C : Heavy precipitation in a changing climate : Does short-term summer precipitation increase faster ? Geophysical Research Letters (2015) DOI : page externe10.1002/2014GL062588

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