Ce robot attire l'attention

Les patients atteints d'une maladie de la rétine liée à l'?ge ont besoin d'injections régulières dans l'?il. Jusqu'à présent, ce sont des médecins spécialisés qui doivent les leur administrer. Mais un robot pourrait bient?t s'en charger.

Vieille femme avec un gonflement autour de l'?il
Chez les plus de 80 ans, une personne sur cinq est atteinte de dégénérescence maculaire, un handicap visuel sévère. (Photo : Jodi Jacobson/iStock)

En Suisse, la cause la plus fréquente de handicap visuel grave chez les personnes ?gées est ce qu'on appelle la dégénérescence maculaire. Chez les plus de 80 ans, une personne sur cinq est concernée. Si cette maladie entra?ne rarement une cécité totale, elle affecte néanmoins fortement la vision. Les personnes concernées ne voient souvent plus que flou, ne peuvent plus lire ou conduire. Dans les cas graves, elles ne per?oivent plus que la lumière et l'obscurité.

La maladie ne peut pas être guérie, mais elle peut être traitée à un stade avancé par des médicaments. Ceux-ci stoppent l'évolution de la maladie et peuvent même parfois améliorer à nouveau la vision. Pour cela, il faut injecter un médicament aux patients à des intervalles de quatre à six semaines, directement dans l'?il. "La procédure est désagréable, mais généralement pas douloureuse", explique le professeur Stephan Michels, médecin-chef adjoint de la clinique ophtalmologique de l'h?pital municipal Triemli de Zurich. Rien qu'au Triemli, 7500 injections ophtalmiques sont réalisées chaque année, contre environ 100 000 dans toute la Suisse. "Il m'arrive de traiter jusqu'à 60 patients en une journée", explique le Dr Michels.

Injections par simple pression sur un bouton

Vue agrandie : modèle d'ophtorobotique
Gr?ce à des capteurs, le robot oculaire peut réagir plus rapidement que n'importe quel médecin si le patient bouge l'?il. (Image : Ophthorobotics)

Un robot, actuellement développé par la start-up Ophthorobotics de l'ETH, pourrait à l'avenir l'aider, lui et ses collègues, dans cette t?che. Cette entreprise a été fondée par des chercheurs du Multiscale Robotic Lab de l'ETH, en collaboration avec des médecins de l'h?pital Trieml. "Notre robot sera le premier à pouvoir être utilisé pour des injections oculaires", explique Franziska Ullrich, ingénieure en génie mécanique à l'ETH et CEO d'Ophthorobotics.

Gr?ce au robot, le médecin n'a plus besoin d'administrer lui-même la piq?re. Au lieu de cela, l'appareil mobile est placé au-dessus de la tête du patient allongé. ? l'aide de deux caméras, il crée une image 3D de l'?il dans lequel l'injection doit être effectuée. Il calcule ensuite le point d'injection et positionne lui-même l'aiguille d'injection. Le médecin peut tout surveiller en temps réel sur un écran. Il ne lui reste plus qu'à vérifier brièvement les réglages et à lancer l'injection en appuyant sur un bouton. "Avec le robot, l'intervention devient plus précise et plus s?re", explique la chercheuse Ullrich de l'ETH. Elle travaille au développement de l'appareil, qui n'existe pour l'instant que sous forme de prototype en laboratoire.

Jusqu'à présent, les médecins effectuent les injections oculaires manuellement. Celles-ci ont lieu dans la salle d'opération. Le personnel soignant commence par préparer le patient. L'?il de ce dernier est insensibilisé avec un anesthésique local et désinfecté. La paupière est ensuite maintenue ouverte avec précaution à l'aide d'une pince. Le médecin place ensuite la seringue avec une aiguille très fine. La zone dans laquelle il peut injecter est une bande très étroite entre l'iris et le coin externe de l'?il. Pendant la piq?re, le patient ne doit pas bouger l'?il, car cela pourrait le blesser. "C'est extrêmement rare", explique l'ophtalmologue Michels.

Malgré tout, le robot offrirait une sécurité encore plus grande. En effet, il mesure à l'aide de capteurs si le patient bouge l'?il juste avant l'injection. Si c'est le cas, l'appareil interrompt immédiatement l'injection. "Il peut réagir plus rapidement que nous, les médecins", explique Michels. Un autre avantage sera que le robot identifiera clairement chaque patient au moyen d'un scan de l'iris. Ainsi, il n'y aura pas de confusion entre les patients.

Parallèlement, il est prévu que le système appelle automatiquement le dossier médical correspondant, dans lequel sont enregistrés tous les traitements précédents - par exemple aussi dans lequel des deux yeux il faut injecter et avec quelle dose de médicament. Le système mémorise même l'endroit exact de la piq?re à chaque traitement et calcule ensuite une position légèrement différente pour la prochaine fois. C'est important, car des injections trop fréquentes au même endroit pourraient endommager l'?il.

Les médecins peuvent utiliser leur temps plus judicieusement

Michels voit toutefois le plus grand avantage du robot dans le fait qu'il permettrait aux médecins de gagner du temps et de bénéficier d'une plus grande flexibilité. En effet, ces derniers doivent jusqu'à présent attendre dans la salle d'opération que le patient suivant soit préparé et qu'ils puissent procéder à l'injection - un temps inutilisé qui s'additionne à plusieurs heures au cours de la journée. Une injection en soi ne dure en revanche que 30 secondes environ. "Gr?ce au robot, le médecin n'aura plus besoin d'être présent lui-même dans la salle d'opération à l'avenir", explique Ullrich. Il pourra commander l'appareil depuis une autre pièce, par exemple son cabinet de consultation. "Cela lui permet d'utiliser le temps entre les injections pour d'autres t?ches", explique Ullrich.

Pour que la communication avec le patient soit tout de même assurée, un écran ainsi qu'un microphone et des haut-parleurs seront intégrés dans l'appareil. Le médecin et le patient pourront ainsi se voir et se parler pendant le traitement, comme sur Skype. L'écran permet en outre au patient de fixer son regard sur quelque chose au moment de la piq?re et de mieux tenir ses yeux en place. Les meilleures images à lui montrer sont actuellement testées en collaboration avec la haute école de technique et d'économie HTW de Coire.

Grande acceptation par les patients

Une première enquête menée par Ophthorobotics auprès de 15 personnes atteintes de dégénérescence maculaire indique que les patients se confieraient effectivement au robot. "Nous avons été surpris par la réaction positive des personnes interrogées", déclare Ullrich. Toutes ont indiqué qu'elles accepteraient d'être traitées par le robot - même si le médecin n'est pas dans la pièce, mais qu'elles peuvent communiquer avec lui.

Le robot d'injection trouve également un écho favorable auprès des h?pitaux : cinq cliniques ophtalmologiques ont déjà exprimé leur intérêt pour l'achat d'un tel appareil. Mais les chercheurs doivent d'abord développer un appareil utilisable en clinique à partir du prototype existant, le tester et enfin le faire certifier. Pour cela, ils sont actuellement à la recherche du financement nécessaire. Ils peuvent se targuer d'un premier succès : La start-up re?oit du Fonds national suisse et de la Commission pour la technologie et l'innovation un prix d'encouragement d'un montant de 130'000 francs, qui devrait accélérer le transfert des connaissances issues de la recherche vers l'économie.

Cet article est paru dans le numéro actuel de "Globe" est apparu.

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